Les années 80 et 90 n'ont jamais été aussi proches de nous. Alors qu'Alex Kidd s'apprête à refaire des miracles dans quelques semaines, les Wonder Boy/Monster World n'en finissent plus de se refaire une beauté. Après Wonder Boy Returns Remix, le fabuleux Wonder Boy : The Dragon's Trap de LizardCube, et un Monster Boy dont nous ne cesserons de chanter les louages, le créateur de la série Ryuichi Nishizawa a remis la main à la pâte. C'est le sixième épisode, assez méconnu, qui a eu droit à sa restauration, sous le nom de Wonder Boy Asha in Monster World.
Monster World IV, c'est un jeu d'action et de plate-forme paru sur Mega Drive en 1994 et auquel les occidentaux n'ont eu droit que très tard. Tristesse, car en son temps, on peut dire qu'il avait de solides arguments. En plus du dépaysement offert par son ambiance Mille-et-Une Nuits ayant plus qu'inspiré les Shantae, il s'illustrait par une réalisation 2D enchanteresse et quelques idées intéressantes permettant de fermer les yeux sur sa linéarité. Et aujourd'hui ?
Asha ira ?
Plutôt que de se contenter de redessiner les sprites d'origine comme l'a fait Ben Fiquet pour The Dragon's Trap ou taper dans le Pixel Art qui fait fondre tant de coeurs, Artdink a opté pour la 3D. Si les premiers visuels faisaient peur, il faut reconnaître que le Cel shading employé pour les personnages et créatures ne choque pas, et que si les environnements ne sont pas d'une richesse et d'un niveau de détail transcendant ils ne constituent pas un frein à l'envie d'avancer dans cette aventure.
En revanche, ce parti-pris a eu d'autres conséquences sur Wonder Boy Asha in Monster World. D'abord sur la maniabilité. Asha, notre héroïne à la crinière verte en charge de sauver le monde, apparaît un peu raide et lourde pour les séquences de plate-forme. Elle répond assez mal si par malheur après avoir été touchée par un ennemi et, surtout, semble souvent hors de contrôle sur les attaques plongées qui devraient offrir le même plaisir du rebond qu'un Duck Tales. D'ailleurs, il n'est pas rare de constater des hitboxes un peu aléatoires... Enfin, la version Switch se voit tristement pénalisée. Des chutes de frame rate viennent régulièrement rappeler un manque d'optimisation, en particulier en mode docké.
Pepe le put, et toi ?
Plus dur, le fait qu'aucun aménagement n'a été consenti pour tenter de faire un peu de place à la modernité - et il ne s'agit pas que du passage obligé par des menus qui ralentissent l'action. Remaster masqué, Wonder Boy Asha in Monster World se contente de dérouler le même programme... qui a assez mal vieilli. Là où The Dragon's Trap et Wonder Boy in Monster World pouvaient compenser une certaine simplicité par une exploration plus poussée et certaine profondeur (les changements d'apparence ou d'armes, les sorts...), ce volet n'a pour lui que des attaques dans quatre directions, un coup d'épée magique qu'on oublie facilement, et le compagnon Pepelogoo - gentiment appelé Pepe dans le doublage en lanque de Mishima. La petite bestiole bleue volante ouvre bien sur des mécaniques nouvelles assez appréciables à mesure que l'on progresse, colmatant des coulées de lave, se transformant en bloc de glace ou dénichant des portes secrètes. Aussi mignon et indispensable soit-il, il manque de caféine dans les veines. Le rappelle à nos côtés prend un temps fou et la mécanique de double-saut, accroché à lui a un côté un peu pénible.
Know you anémie
D'autres éléments égratignent le bonheur nostalgique que l'on pourrait éprouver à voir Asha se balader à Rapadagna, taper de drôles de slimes ou dandiner du popotin au moment d'ouvrir un coffre. Le passage à la 3D transforme un seul écran de jeu 16 bits en plusieurs couloirs. Et c'est vide, pas vivant, avec des répétitions d'un agencement qu'on connaît déjà. En dehors de la ville principale où acheter arme, bouclier et de quoi faire gonfler son capital coeurs, nous ne faisons face qu'à des donjons très linéaires - les zones annoncées comme labyrinthiques n'ont rien de complexe - où seules des gouttelettes de vie motivent à l'exploration (rapide).
L'arsenal ne change que des statistiques. Le bestiaire n'est constitué que de créatures apathiques trop espacées et de boss aux patterns patauds. On ne s'ennuie pas, mais on ne prend pas son pied non plus. En 5 heures de jeu nécessaires pour le boucler (merci la sauvegarde à n'importe quel moment, parfois), et déplorant l'absence de bonus pour satisfaire les curieux, on a surtout la sensation que sortir Monster World IV du frigo sans le remodeler davantage n'était pas une idée lumineuse.